Qu'est-ce que l'Institut Eléazar ?

Fondé le 11 août 1990, par Serge Caillet, sous la présidence d'honneur de Robert Amadou (1924-2006), l'Institut Eléazar fêtera ses 20 ans cette année.
L'Institut Eléazar, qui n'est pas un ordre initiatique, rassemble dans l'indépendance des hommes et des femmes de désir soucieux d'étudier en toute liberté l'oeuvre de Martines de Pasqually (1710 ?-1774) et de Louis-Claude de Saint-Martin (1743-1803).
Ce blog de l'Institut Eléazar est principalement consacré à l'actualité du martinisme : publications, études, découvertes, manifestations...

Ce blog complète le site officiel de l'Institut Eléazar : www.institut-eleazar.fr

vendredi 18 février 2011

Serge Marcotoune et la science secrète des initiés

Les Editions du Simorgh (leseditionsdusimorgh.blogspot.com/) ont eu la bonne idée de rééditer en 2009 La Science secrète des initiés, de Serge Marcotoune, avec une introduction de Daniel Fontaine. Le nom de Serge Constantinovitch Marcotoune (ou Markotoune) n’est pas inconnu dans l’histoire du martinisme moderne, à cause du martinisme « russe », comme on dit. Mais qu’est-ce à dire, précisément ?

Les bonnes relations que Papus entretint avec de nombreux aristocrates russes, tant en France qu’en Russie, alentour 1900, ont très largement contribué à l’implantation de loges martinistes en Russie, ainsi que l’atteste notamment le dossier "Russie", conservé dans le fonds Papus de la Bibliothèque municipale de Lyon, que j’exploiterai dans mon histoire de l’Ordre martiniste, en préparation.
Initiée en 1897, la violoniste Olga de Moussine-Pouchkine a représenté en Russie, dès janvier 1899, le Suprême Conseil de l’Ordre Martiniste, et elle favorisera peu après la rencontre de Monsieur Philippe avec les grandes-duchesses Anastasia et Militza, qui le présenteront ensuite au couple impérial. En décembre-janvier 1900, Papus se rendra lui-même à Saint-Pétersbourg, et en février 1900, L’Initiation rend compte d’une visite d’une délégation martiniste en Russie, qui y précèdera de peu Monsieur Philippe lui-même.
Avant la Révolution d’Octobre, nombreux ont été les martinistes dans la bourgeoisie et l’aristocratie russe, à Vladimir, où la loge Saint-Jean l'Apôtre a été fondée en mai 1910, sous l’autorité de Pierre Kasnatcheev, qui sera nommé en 1913 délégué général de l’Ordre martiniste à Moscou ; à Saint-Pétersbourg, où la loge Apollonius, a été fondée en 1910 par Grigory Ottonovitch Mebès ; à Kiev, enfin, où  Serge Marcotoune, domicilié au 67 de la rue Viadimirscaïa, a dirigé la loge Saint-André l'Apôtre. Après la mort de Papus, Bricaud confirmera Marcotoune comme délégué général pour l’Ukraine (charte n° 501, en date du 25 mai 1919).
Réfugié en France, installé à Paris, rue Chalgrin, puis rue de la Trémoille, Marcotoune y fondera, en vertue d’une patente de Jean Bricaud, datée du 22 décembre 1920, la loge Saint-André n°2 (en souvenir de la loge de Kiev), qui rassemblera des Français, des Russes et des Ukrainiens en exil. Cette loge, rappelle Daniel Fontaine, fonctionnera jusqu'en 1939, puis dans la clandestinité, sous l'Occupation allemande.
Des ordres martinistes, aujourd’hui, se réclament de la filiation de Marcotoune, mort en 1971. Il est vrai que celui-ci essaima, à Paris, en 1969, mais aussi en Belgique où Armand Toussaint (1895-1994), initié par Marcotoune, a fondé l’Ordre martiniste des chevaliers du Christ (OMCC), qui s’est ensuite répandu sur tous les continents. 
En dépit de la légende – mais je serais tout heureux qu’on me démontrât le contraire ! – point de "rite de Novikov", et le « martinisme russe », dont Serge Marcotoune représente l’une des figures, ne remonte qu’à Papus, c’est-à-dire à la filiation bien française de l’Ordre martiniste fondé à Paris en 1887-1891, implantée en Russie avant la Révolution d’Octobre, et revenue en France ensuite. Ce n’est ni plus ni moins qu’un « martinisme russe » de désir !
Selon une note de la présente réédition de La Science secrète des initiés, non seulement Marcotoune n’aurait pas été occultiste, mais, plus encore, « il se méfiait des occultistes », tandis que son livre témoignerait du « particularisme du martinisme russe ». N’en croyez rien ! 
D’ailleurs, à défaut de témoigner de la moindre influence « russe » d’un Saint-Martin ou d’un Martines de Pasqually, les deux livres de Serge Marcotoune, La science secrète des initiés et la pratique de la vie (traduit du russe par Eugène et Marc Semenoff,  Paris, A. Delpeuch, 1928 ; 2e éd., Paris, Honoré Champion, 1955) et La Voie initiatique. La pratique de la vie initiatique (Paris, Honoré Champion, 1956),  proposent une approche occultiste du monde, de la vie et de la voie initiatique, parfois assez originale et assurément très digne, que n’aurait pas désavouée Papus. Enfin, peut-être convient-il de rappeler que Serge Marcotoune figure aussi, en 1922, parmi les membres fondateurs de la Société occultiste internationale (SOI), dirigée par Jean Bricaud, qui entendait relever le Groupe indépendant d'études ésotériques de Papus.

Serge Caillet